Les kulunas en cravate, les kulunas de la rue et la nécessité d’une orientation idéologique kongolaise tradicratique [Tribune]
Par Jean-Pierre Mbelu
« Mais si l’être humain est fondé sur la relation, il faut également admettre une autre vérité : la primauté des devoirs. » – B. GUIGUE
Le Kongo-Kinshasa est en guerre. Celle-ci se mène sur plusieurs fronts. Le front militaire, le front économique, le front social, le front intellectuel, le front idéologique, etc. Les kulunas en cravate et les kulunas de la rue participent de cette guerre en rendant la vie difficile à leurs congénères. Le triomphe de la cupidité[1] dans le chef de plusieurs kulunas en cravate crée des inégalités économiques dont les kulunas de la rue sont, pour la plupart, des victimes. En plus de la cupidité alimentée par « la sorcellerie capitaliste », les kulunas en cravate et les kulunas de la rue ont des coeurs et des esprits rongés par un mal très profond. Identifier ce mal peut aider à penser une fin possible de ce phénomène, ou plutôt contribuer, petit à petit, à son éradication.
Le lien entre les kulunas : la convoitise
Quel lien y a-t-il entre les kulunas en cravate et les kulunas de la rue ? Les kulunas en cravate et ceux de la rue ont en partage la convoitise, cette angoisse anxieuse entretenue par les coeurs et les esprits insatisfaits de ce qu’ils sont et de ce qu’ils ont. Ils estiment que les autres n’ont pas le droit d’être qui ils sont et d’avoir ce qu’ils ont ; que ce que les autres ont devrait leur appartenir. Et comme ça ne leur appartient pas de droit, ils l’arrachent par la ruse, le mensonge, le vol ou la force.
Les kulunas de la rue sont, en grande partie, le produit de la guerre raciste de prédation et de basse intensité dont souffre le pays depuis plus de trois décennies.
Les kulunas de la rue sont, en grande partie, le produit de la guerre raciste de prédation et de basse intensité dont souffre le pays depuis plus de trois décennies. Ils sont aussi le fruit de l’application des Programmes d’Ajustements structurels appliqués au pays dans les années 1980 et des inégalités économiques qu’ils ont créés.
La convoitise produit l’intelligence de la violence, de la méchanceté et de la haine. Guérir les coeurs et les esprits de cette angoisse anxieuse peut passer par l’éducation et/ou la rééducation. Mais aussi et surtout, par la mise en place d’une politique de la famille digne de ce nom et de la justice sociale, de la justice redistributive.
Une politique de la famille dont il est question serait celle qui promeut les vertus familiales (traditionnelles) telles que le rôle éducateur de la mère, le respect des aînés, les soins des aînés prodigués aux plus jeunes, la piété filiale, la fraternité, la loyauté, la solidarité, etc.
Une orientation idéologique claire
La promotion d’une telle politique a besoin d’une infrastructure matérielle conséquente. D’où l’importance de la justice sociale et redistributive sur fond d’une idéologie politique étatique incarnant le collectivisme méthodologique. Celui-ci a l’avantage de rappeler aux humains qu’ils sont des êtres par soi, pour soi, avec soi mais aussi des êtres par, pour et avec autrui. Ce collectivisme méthodologique rappelle que l’identité est à la fois relation et interaction (collectives). Et qu’elle est responsabilité envers soi et envers les autres, qu’elle implique des devoirs à l’endroit des autres.
Une éducation, une rééducation et une politique familiale mise au service du collectivisme méthodologique peuvent participer de l’avènement des gouvernants, bien éduqués, pieux et loyaux à l’endroit de patrie-mère et de leurs congénères. Mettre fin à la guerre de prédation et de basse intensité dont souffre le pays serait un début de solution à la question des kulunas de la rue.
Une éducation, une rééducation et une politique familiale mise au service du collectivisme méthodologique peuvent participer de l’avènement des gouvernants, bien éduqués, pieux et loyaux à l’endroit de patrie-mère et de leurs congénères.
Mettre fin à la guerre de prédation et de basse intensité dont souffre le pays serait un début de solution à la question des kulunas de la rue. A condition que l’argent investi dans cette guerre puisse être mis au service de l’éducation, de politique la famille, de la planification de l’industrialisation du pays, de collectifs citoyens responsabilisant et autonomisant les familles à la base, de la création étatique d’emplois, etc. Une autre condition serait que la justice juste soit au coeur de la gestion collective du pays de façon à mettre hors d’état de nuire les kulunas en cravate et les jeunes récidivistes.
Le service national est un pas important dans la recherche de solution à la question des kulunas de la rue. Néanmoins, celle de l’orientation idéologique claire du pays demeure. Celle-ci est nécessaire à la prise en charge de l’éducation, de la rééducation des humains kongolais et de la politique promouvant les vertus familiales traditionnelles, sources naturelles du patriotisme à reconquérir.