Les embouteillages à Kinshasa : décryptage des logiques des usagers de la route

Professeur Oscar shamba Bemuna

Les embouteillages dans la ville province de Kinshasa font partie du quotidien de la population kinoise. Les « embouteillages Â» dans la constitution, les « embouteillages Â» au gouvernement, les « embouteillages Â» dans les universités et dans les écoles, dans la fonction publique; la RDC vit au rythme des embouteillages sur tous les plans. Un comédien kinois parlait en termes de « ba cales, obe ba cales Â» pour dire des obstacles qui empêchent tout développement ou changement.

Le phénomène « embouteillage Â» ou congestion de la route, a fait l’objet des plusieurs analyses par les différents analystes. Pour certains, dans une approche étiologique, la non observance du code de la route, le mauvais état des routes et l'inexistence des routes secondaires en sont les causes principales. La circulation est concentrée sur un nombre limité de routes reliées au centre-ville.

La ville province de Kinshasa, avec plus de dix millions d’habitant compte trois ou quatre boulevards seulement : boulevard du 30 juin, Mondjiba, boulevard Lumumba et Boulevard Kasavubu. Ces boulevards sont reliés par quelques avenues dont notamment, l’avenue de la libération ex-24 novembre, Nguma,  bypass, Luambo Makiadi, Kasai, Flambeau,  chaussée des poids-lourds... Toutes ces avenues sont dans un état pittoresque. Le district de Tshangu avec plus de trois millions d’habitant, compte juste le seul boulevard Lumumba qui mène à l’aéroport.

Pour d’autres analystes, il y a plus des véhicules que des routes à Kinshasa, les différents usagers de la route se faufilent au lieu de conduire ou de marcher, ce ne sont pas des conducteurs mais des furtifs, des « faufileurs Â».  Non seulement, ils déplorent aussi le non-respect du code de la route,  mais  le manque des panneaux de signalisation et l’absence des policiers dans les différents carrefours de la ville sont  aussi parmi les causes des embouteillages à Kinshasa.

Selon Oscar Shamba Bemuna, la question des embouteillages dans la ville de Kinshasa est complexe. Il est vrai qu’il  y a un problème sérieux de manque des routes et qu’on a, plus de véhicules dans la capitale de la RDC, mais il faut, dit-il,  chercher d’abord à comprendre les logiques qui guident les usagers de la route enfin de lutter contre ce phénomène. Rendre compte des logiques d’action, c’est rechercher ce qui fonde les choix des usagers de la route, c’est aussi comprendre quelles rationalités sont à l’œuvre derrière chaque action ou conduite.

L’embouteillage pour ce Chercheur au Centre de recherche en science sociale, est un état d’esprit, il résulte des mauvaises décisions prises par les différents usages de la route qui mobilisent de rationalités différentes.

Par les usagers de la routé il faut entendre, les piétons, les cyclistes, les motards, les chauffeurs des véhicules (bus , taxis, remorque, les poids lourds).

Par la logique des usagers, il faut entendre des diverses rationalités  des usages de la route qui les poussent à prendre des mauvaises décisions. La première catégorie des usagers de la route est  celle qui  mobilise leur statut  pour ne pas respecter le code de la route. Dans cette catégorie nous avons certaines autorités politiques et militaires qui ont un permis de conduire spécial de non-respect du code de la route. Il est vraiment  stupide de constater que la plupart de ces autorités congolaises voyagent à travers le monde, elles ont même des permis de conduire occidentaux,  mais elles ont le palme d’or dans l’incivisme et la délinquance routière. Ces autorités qui devraient prêcher par l’exemple, mobilisent sans le moindre scrupule leur rang ou statut social pour prendre des mauvaises décisions. La plaque de la présidence et  de certaines institutions sont devenues des permis de non-respect des agents de la circulation routière. Ils respectent le code de la routé à l’étranger mais une fois à l’aéroport de N'djili, ils oublient tout.  Ils sont guidés par une logique autoritariste

 La deuxième catégorie est celles des « faufileurs Â» tout terrain (il se faufilent), les conducteurs des bus communément appelés « esprit de mort Â» et des taxis. Ces véhicules  pour la plupart, roulent sans freins arrières, sans clignotants et sans documents de bord. Ces conducteurs fantômes sont obligés de verser 80 dollars par jour sans compter l’argent du carburant. Ils doivent aussi faire tout pour avoir un petit rien le soir pour manger et prendre une bouteille de bière. Il n’est pas facile selon ces conducteurs de réaliser ce montant, ils sont, bon gré mal gré contraint de faire du forcing. Ils sont guidé par la logique économique et sociale d’une économie informelle. Le propriétaire du véhicule et le conducteur sont tous deux guidés par la recherche de bénéfices, « Nazo welela na kokisa versement Â».

Ces conducteurs fantômes sont pour la majorité, parrainés par certaines autorités militaires au point qu’ils sont aujourd’hui des intouchables sur la route. Ils ont comme certaines autorités politiques et militaire un permis spéciale de non-respect du code de la route.

La troisième catégorie des usagers est celle des particuliers qui subissent la loi du plus fort et la peur du risque. Cette catégorie la plus vulnérable souvent conformiste mais se dit que les autorités donnent des mauvais exemple, qu’est-ce que nous on peut faire ? Elle est dans une logique d’imitation, « ngai mutu na koya kobongisa té Â», je dois faire comme les autres.  La logique de leur action repose sur le mode d’adaptation à des conditions difficiles.

La quatrième catégorie des usagers est celle des motards, ces dernières n’obéissent qu’ à leur instinct. Ils roulent dans tous les sens et n’importent ou, insultant qui, voudrait leur donner des leçons. Ces motards qui ont réussi à épauler tant soit la misère de population kinoise en matière de transport, sont dans la logique de la débrouille. Certains travaillent comme des indépendants, d’autres sont contraints de verser de l’argent chaque jour auprès du propriétaire de la moto. Dans cette catégorie on peut aussi y ajouter les pousse pousseurs.

La dernière catégorie est ces des piétons. Cette catégorie est abandonnée à son triste sort, compte  sur la protection divine. Chaque jours les accidents et les décès  se comptent par milliers. Les piétons qui doivent prendre la moto ou le taxis pour se déplacer sont parfois complices avec les chauffeurs ou le motards quand ces derniers sont impliqués dans un accident ou interpelés par la police.  Ils sont dans logique de survie, dans ce qu’on peut considérer comme « système de chemin de fer, l’homme doit se battre Â».

Selon le professeur oscar Shamba, les différentes logiques des usagers de la route montrent un dysfonctionnement de la société congolaise, une désorganisions sociale qu’il qualifie de « logique de mbutu mbutu Â». Nous pouvons dit-il,  avoir plus des routes mais si les logiques qui guident les usagers de la route ne reposent pas sur le respect du code de la route, cette question restera insoluble.

 Les  policiers  de circulation routière fait face à toutes ces logiques et finit par fonder sa propre logique de la débrouille. Ils vivent dans un état de précarité extrême, d’autres sans formation, font la tontine pour faire face à leur misère.  Face à cette logique de survie, la prise de conscience n’est pas facile car tous les inhibiteurs ( barrière d’ordre moral, spirituel, pénal culturel..) sont inopérants.

Il s’observe que chaque fois que la garde républicaine s’occupe de la circulation routière dans la ville, il y a moins d’embouteillages. C’est donc le faible contrôle social qui est à la base des embouteillages dans cette ville. On peut en conclusion  dire que c’est l’absence de l’autorité de l’Etat qui est la première cause des embouteillages dans la ville province de Kinshasa. Il faut une autorité qui va procéder sans délai, au retrait de ces permis  de non-respect du code de la route  Ã  tous les délinquants routiers ; lutter contre toutes les formes de parrainage des véhicules communément appelés « esprits de mort Â» par certaines autorités militaires; travailler sur les relations entre les propriétaires de véhicules et les chauffeurs qui travaillent comme de forçat, enfin revoir la rémunération des policiers et l’éducation de la population au respect de la loi.

Professeur Oscar shamba Bemuna

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