CRÉDIT CARBONE : DES MILLIONS DE DOLLARS VERSÉS A LA RDC, DESTINATION INCONNUE
La Semaine congolaise du climat s’est ouverte lundi à Kinshasa. Selon la ministre de l’Environnement, Marie Nyange Ndambo, cette initiative constitue un cadre préparatoire à la COP30, prévue du 10 au 21 novembre 2025 à Belém, dans l’État du Pará, au Brésil.
Lors d’un point de presse, la ministre a rappelé que « les forêts représentent aujourd’hui l’une des principales solutions à la crise climatique », soulignant la montée en puissance du marché du carbone. « Séquestrer les gaz à effet de serre donne droit à une compensation financière, conformément au principe selon lequel celui qui pollue paie », a-t-elle expliqué. Elle a également rappelé que, pour encadrer ce secteur émergent, le président Félix Tshisekedi a créé l’Autorité de régulation des marchés carbone (ARMC).
Bien que mise en place en 2023, cette structure n’a vu la nomination de ses responsables qu’en juillet dernier. L’équipe dirigeante se compose de Jacques Célestin Moliba Bakanza (PCA), Guy Ntimba Binsimpi (DG) et Fifi Likunde Mboyo (DGA), épaulés par Ferdinand Masamba wa Masamba, André Kibambe Kikangala et Joseph Longunza Malasi, membres du conseil d’administration.
Un mois avant ces nominations, la Banque mondiale avait versé 19,47 millions de dollars à la RDC, en reconnaissance de la réduction de 3,89 millions de tonnes de CO₂ dans la province du Maï-Ndombe, grâce à la protection et à la restauration des forêts. Ce financement, issu du Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FCPF), constitue le premier décaissement d’un accord plus vaste pouvant atteindre 55 millions de dollars pour 11 millions de tonnes d’émissions évitées.
Selon une source de la Banque mondiale à Kinshasa, la RDC dispose également de 1,7 million de crédits carbone supplémentaires qu’elle pourra vendre sur le marché international. Pourtant, aucune communication officielle n’a été faite à ce sujet par le gouvernement congolais. Ce silence contraste avec les tensions du passé : l’ancienne gouverneure du Maï-Ndombe, Rita Bola, s’était déjà insurgée contre la rétention à Kinshasa des revenus issus des crédits carbone.
Plus récemment, un rapport de Rainforest UK a dénoncé de graves dysfonctionnements dans la gouvernance du marché carbone congolais : projets peu transparents, droits communautaires ignorés, absence de redistribution équitable. Ce constat va à l’encontre des engagements de la Banque mondiale, qui espérait qu’une part substantielle des fonds bénéficie directement aux communautés locales et aux peuples autochtones impliqués dans la conservation.
« La forêt, c’est nous », a martelé la ministre Nyange Ndambo, appelant à une plus grande implication nationale. « Celui qui traîne les pieds sera piétiné », a-t-elle prévenu. Pourtant, les flous persistants autour des revenus du carbone empêchent tout débat transparent sur la gestion forestière. Une question demeure : comment le Rwanda, avec un objectif de réduction de 7,5 millions de tonnes de CO₂ d’ici 2030, parvient-il à mieux valoriser son marché carbone que la RDC, pourtant dotée du deuxième plus grand massif forestier du monde ?
Aux décideurs congolais d’y répondre.
LPP/OURAGAN





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